Face au mutisme de l’ensemble des médias
sur la situation actuelle de la Lybie, il urge
néanmoins que les acteurs des révoltes et les grandes puissances
s’interrogent sur les raisons profondes de l’intervention militaire. Car
aujourd’hui, la situation, bien loin d’être reluisante remet en cause la
cohésion autrefois existante dans le camp des rebelles.
23
octobre 2011, trois jours après l’orchestration de la mort du Guide libyen, la
Lybie proclame sa libération. Le monde entier en général et les libyens en
particulier croient donc en un avenir meilleur mais ils seront très vite
rattrapés par l’histoire.
En
effet, les inquiétudes commencent quand Mustapha Abdeljalil, président du
Conseil National de Transition(CNT) instaure la Charia, la fin du divorce et le
retour de la polygamie avant même la mise en place d’un processus d’élection d’une
Assemblée Constituante. Or on ne peut pas à la fois
parler d'élire une Assemblée constituante et décréter seul de l'instauration ou
de l'abolition de telle ou telle loi. Cette décision met donc en péril les
libertés fondamentales et fragilise la démocratie chèrement acquise.
Ensuite,
loin de faire l’unanimité non seulement au sein de son propre camp mais aussi
chez les tribus fidèles à Kadhafi, Mustapha Abdeljalil est vu comme l’homme de
l’occident et n’est aucunement considéré comme légitime. Résultat : Des milices et ex-rebelles, qui ont récupéré beaucoup d'armes,
sont livrés à eux-mêmes et tentent de recouvrer les ressources qu'ils
obtenaient avant la révolution. Et la solution la plus simple est la violence
et le racket. C’est ainsi que le mardi 08 mai, des dizaines parmi eux ont
encerclé et saccagé le siège du gouvernement libyen au centre de Tripoli.
Raison évoquée, le versement inégalitaire de primes à tous ceux qui ont
contribué à déstabiliser l’ancien régime alors même qu’une loi d’amnistie très
controversée a été soulevée à leur égard. Au cours de cet affrontement qui
donna lieu à une fusillade entre les anciens révolutionnaires et les forces de
l’ordre, un jeune policier de 19 ans
mourut. Et si le CNT a fortement
regretté ce décès, on a du mal à croire en sa capacité de gouvernement car
comme l’a souligné Stéphanie David, de la Fédération internationale des droits
de l'homme « le CNT a peur des
groupes armés et peut devenir très vite un système clientéliste » du
fait de ses erreurs de gestion. Erreurs qu’un conseiller du premier ministre a
pudiquement reconnue en affirmant « Les financements ont dû être suspendus. Les gens de Yefren en ont
conclu à tort qu'ils en étaient exclus. C'est ce malentendu qui a déclenché
leur colère. » Par ailleurs,
il faut ajouter que ce n’est pas la première fois que le siège du gouvernement
est attaqué par d’anciens rebelles. Le 10
avril, des assaillants armés s’en étaient déjà pris au bâtiment, provoquant
l'indignation du cabinet du Premier ministre et du Conseil national de transition.
Au lendemain de cette attaque du siège du
gouvernement, le vice-président présente sa démission du fait de l’atmosphère
de haine qui règne dans le pays. Selon certaines sources, une foule en colère
réclamant la démission du gouvernement avait alors envahi le siège du CNT à Benghazi.
Et lorsque Moustapha Abdeljalil est sorti pour haranguer la foule, des manifestants
lui ont lancé des bouteilles en plastique vides, obligeant les forces de
l'ordre à tirer des grenades lacrymogènes. "Dégage,dégage !",
scandaient les protestataires lorsque le chef du CNT a pris la parole avant de
se replier à l'intérieur du bâtiment. Un incident qui n'était pas une
première puisque le vice-président du CNT
avait déjà été pris à partie et bousculé par des étudiants en colère à l'université de
la ville.
En outre, théâtre d'incidents, la zone frontalière
entre la Tunisie et la Libye est un point névralgique pour la contrebande en
tous genres et le trafic d'armes qui a explosé depuis le conflit libyen.
Autre fait marquant de l’après-Kadhafi, le risque
de partition du pays survenu après de nouveaux affrontements dans le sud libyen entre les
Toubous et d'autres tribus à Sebah. Des dizaines de personnes sont alors tués.
Ainsi, le mardi, 06 mars, des chefs de tribus et de milices de l'est du pays ont
proclamé "l'autonomie de la Cyrénaique". Territoire qui était l’un des trois Etats de la Libye alors fédérale à l'indépendance du pays, en 1951. La région recèle
dans son sous-sol l'essentiel des ressources en pétrole libyennes. C'est aussi
de là qu'est partie la fronde anti-Kadhafi. Même si, on aurait dû s’attendre à
ce genre de révolte du fait de la qualité hautement tributaire de la Libye, il
faut dire que le pouvoir du CNT, dont l'unité repose plus sur son opposition à
l'ancien chef d'Etat libyen que sur un projet politique commun n’est pas
préparé à la division du pays.
Face à tous ceci, on se demande si les élections
prévues pour juin sont tenables car le CNT ayant déjà du mal à circuler dans
certains endroits du pays, on voit mal comment il pourrait organiser un
scrutin. Aussi, selon des services sécuritaires, un candidat aux élections aurait
été assassiné peu après avoir enregistré sa candidature auprès de la Commission
électorale à Oubary (sud).
A la lumière de tout ce qui précède, on peut
dire sans coup férir que la menace d’une
guerre civile est donc plus que jamais d’actualité en Libye. Alors, après la
mort du guide Libyen et les conséquences dans la sous-région, il revient tout
au moins aux puissances occidentales de prendre leur responsabilité dans le
pays afin de ne pas trahir le vrai fondement de l’intervention militaire dans
ce pays : « la liberté et la paix ». Autrement, on va bien
vite en déduire que les raisons étaient essentiellement économiques et qu’il
fallait asservir cet Etat pour s’octroyer les plus gros contrats pétroliers et
les intérêts géostratégiques comme ce
fût autrefois le cas en Irak, en Serbie
et actuellement en Syrie.
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