Quelle est la valeur du
secteur privé dans un environnement économique comme le Bénin ? Les
gouvernants béninois ont-ils l’autorité et la vision suffisante pour
accompagner les jeunes investisseurs ? Quelle est la vision d’un jeune
quant à la situation actuelle dans le pays ? Autant de questions que peut
se poser des potentielles grandes firmes voulant s’implanter chez nous. Pour y
répondre, le mieux est encore de poser la question à un observateur averti du
secteur privé et conscient des problèmes que rencontrent les jeunes aujourd’hui
en Afrique.
Après plusieurs emails envoyés
et quelques coups de téléphone auprès de notre réseau pour dénicher la perle
rare, un jeune s’est imposé à nous ! La personne en question :
Nourou-Dine Saka Saley, consultant juridique et financier de métier, et membre
initiateur et fondateur de l’Association Cap ’Jeunes. Il est actuellement en
train d’étendre ses activités dans la sous-région ouest-africaine. Pour moi, et
pour mes lecteurs, il a accepté d’évoquer sa conception du développement
économique au Bénin.
« Bonjour
M. Saka Saley, entrons directement dans le vif du sujet. On parle beaucoup
d'assainissement de l’économie, de lutte contre la
corruption, d'efforts quant à la bonne gouvernance au sommet de l'état
mais dans le fond, qu'est-ce qui a vraiment changé en six ans selon
vous ? »
N-D.
Saka Saley : Il faut
dire que si l’assainissement, les luttes contre la corruption sont
encore d’actualité c’est qu’il y a manifestement un sentiment d’échec ou tout
au moins d’inefficacité ou d’inefficience. Parce que si cette lutte
fonctionnait, la question ne serait plus aussi criarde de nos jours et on en
parlerait un peu moins que lorsque les énoncés de bonne volonté ont commencé il
y a quelques temps au Bénin.
Je me souviens qu’on avait
déjà créé une autorité de lutte contre la corruption dirigée en son temps par
Madame Adjai Cica. Aujourd’hui, nous ne l’avons plus sous la même forme. Elle
s’est fondue en plusieurs entités telles que l’OLC (Organisation de Lutte
contre la Corruption), le FONAC (Fonds national de lutte contre la corruption)
et je me demande si cette dispersion dans les efforts est préjudiciable ou
profitable à la lutte contre la corruption.
Ensuite, on s’est doté d’un
arsenal juridique de lutte contre la corruption et des infractions connexes
dont je peine à voir les effets puisque depuis que ces lois existent, je n’en
vois pas l’application concrète auprès des cas avérés de corruption. Cette loi
me semble aussi un peu tirée par les cheveux car certaines fautes n’avaient pas
besoin d’une loi de lutte contre la corruption avant d’être punies. Le seul
code pénal était largement suffisant. Aussi, quand j’apprends qu’il y a des
personnes qui ont occupé des fonctions au sommet de l’Etat et qui ont été
inquiétées dans des scandales économiques comme ça a été le cas au Port
Autonome de Cotonou, et qu’il y a eu sollicitation médiatisée, par des
autorités religieuses et traditionnelles à un certain niveau pour que la
justice ne soit pas saisie, je suis un peu gêné par ce mélange de genres entre
le religieux et le politique alors
qu’elles doivent être sévèrement découragées et punies.
Les scandales se succèdent
donc, et le milliard est devenu l’unité d’infraction économique. Ce qui pour
moi est signe tout au moins d’inefficience des politiques de luttes contre la
corruption, et on a tendance à penser à un « politisme » de
lutte contre la corruption qu’à une véritable volonté d’en découdre !
« Puisqu’on
parle d’économie et le secteur privé en fait partie intégrante, les gouvernants
suite à la table ronde ont pris des engagements aussi
bien sur le plan législatif que sur le plan pratique afin de
renouveler l'environnement économique du pays .Ont-ils l'autorité et
la vision pour tenir ses promesses ? »
N-D. Saka Saley : Dans le principe, la table ronde est une
initiative fabuleuse à reprendre mais en même temps, ces personnes qui sont
impliquées dans des scandales financiers sont-elles des modèles pour impulser
une nouvelle révolution économique ? Rassurent-ils les
investisseurs ? Je me demande car l’Etat ne crée pas la richesse ! Il
créé des conditions favorables pour la création de la richesse. L’Etat ne peut
et ne doit plus recruter ou financer des activités comme ça se fait ici.
Alors, si les privés ne sont
pas dans les conditions favorables pour la création de la richesse et d’emploi,
nous allons nous retrouver dans un éternel recommencement. Les jeunes diplômés
courront vers la fonction publique sans réelles chances, et le secteur privé
véritable levier de développement s’en trouvera déserté. Mon rêve pour la
jeunesse est celui d’une indépendance professionnelle et financière durable et
pérenne dans un milieu aseptisé de lourdeurs administratives et de clientélisme.
Il doit donc avoir une
histoire d’amour, entre le public et le privé, basée sur la réputation des
politiques et la confiance réciproque des divers acteurs.
Je ne pense pas alors que nous
ayons des modèles de vertus en termes de gouvernance politique sinon on n’en
parlerait pas en ces termes peu flatteurs.
On en parle un peu plus
qu’avant et on en parle seulement et malheureusement seulement.
Il n’y a pas d’actes
forts ! Les actes poursuite des infractions par exemple peuvent être faits
en dehors de la Haute Cour de Justice. La Haute Cour de Justice est seulement
compétente et exclusive pour le jugement et j’estime qu’il y a un frein même au
niveau des actes de poursuite. Ce qui somme toute est attentatoire à la
manifestation de la vérité.
« Par
ailleurs, on oppose parfois notre sous-développement à la mentalité des africains
et aux comportements barbares qu'on observe sur le
continent. Comment marier efficacité économique et valeurs sociales et
morales au Bénin ? »
N-D.
Saka Saley : Je suis contre tous ceux qui disent la culture
constitue un frein au développement d’une nation. Le Japon et la Chine brillent
grâce à leurs cultures. Par contre, les comportements des individus peuvent
constituer des obstacles au développement d’un Etat et nous pousser à patiner
de manière continue et stérile.
«
A présent la question fondamentale, en tant que jeune entrepreneur, comment
peut-on enclencher le développement économique au Bénin?
N-D.
Saka Saley : Il faut dire déjà que le pouvoir est éminemment politique et un homme neuf et
économiste ne garantit pas toujours une croissance économique. Pour exemple
nous sommes dans une situation économique moins reluisante avec un économiste
(entouré d’économistes) à la tête du pays que lorsque nous étions sous la
gouvernance d’un militaire de métier.
Cependant, l’influence du
politique dans tous les domaines de la
vie économique au Bénin est grande et n’est hélas en l’espèce pas forcément
positive. Les politiques doivent donc aider les entreprises et quitter le subjectivisme
qu’on observe actuellement. Ils doivent installer un climat de confiance avec
le privé et permettre aux jeunes d’en détecter les réelles opportunités afin
d’en profiter.
L’entreprise du soutien
politique (marches et propos désobligeants) est malheureusement l’entreprise en
plein expansion chez nous…
« Mais
la Mondialisation de plus en plus grandissante favorise-t-elle le développement
de l’Afrique ? »
-N.
Saka Saley : Malgré la crise économique, l’Afrique a une
croissance en moyenne frôlant les deux chiffres.
Nous ne pouvons pas en vouloir
aux puissances étrangères avec lesquelles nous collaborons, de faire la
promotion et la sauvegarde de leurs intérêts économiques, y compris au
détriment des économies de nous leurs partenaires.
Mais c’est hélas la dure loi
des échanges et du commerce…Le plus fort dicte sa loi.
Nous e pouvons non plus nous
passer d’eux, et il nous faut donc dans une optique de synergie réajuster le
tir, de manière à apparaitre plus unis et plus aptes à tout au moins négocier
et faire réduire la fracture d’importance économique.
Chacun doit donc connaître sa
place et penser collectif au niveau panafricain. C’est le seul moyen pour nous
de profiter de notre excellente santé économique et des opportunités
d’investissements dans notre continent.
Pour
conclure :
Nourou-Dine SAKA SALEY nous
dévoile une vision très réaliste du développement économique du Bénin. Ce qu’il
faut retenir, c’est que malgré l’ingérence des politiques, il reste optimiste.
Aussi, il préconise une collaboration plus saine entre le public et le privé.
Finalement, nous nous rendons
compte qu’il est plus intéressant d’avoir un avis de cette jeunesse qui avance.
Avis bien loin des théories de bureaucrates que nous suivons généralement sur
les médias béninois.
Son conseil aux jeunes
béninois, continuer à avancer et à se battre car comme il le martèle
régulièrement « l’avenir du Bénin repose uniquement et principalement sur
les épaules de ses enfants. »